Dans Du soir au matin… jusqu’au soir, l’enfant
évoqué, Loulou, est au bord du sommeil. Il ne
figure pas sur les images : nul ne peut savoir son âge
et ni même s’il s’agit d’une fille
ou d’un garçon (petite acrobatie du texte !).
Loulou est la figure absente du jeune lecteur en personne
dont le « doudou » préféré,
un certain Monsieur Chaussette (présent sur toutes
les pages à des tailles variées), organise l’endormissement
et met en scène la galerie des curieux personnages
convoqués pour tenir un rôle dans les rêves
à venir de Loulou. Et non seulement Monsieur Chaussette
explique, tant bien que mal, de quoi sont faits et à
quoi servent les rêves, mais il doit aussi en rassurer
les acteurs qui doutent de leur existence ! Le continent de
leur propre sommeil reste mal connu des adultes. Et ce flou
n’est pas pour rien dans l’inquiétude des
enfants peu informés sur cette « parenthèse
» qui constitue la moitié de leur jeune vie :
les cauchemars et les faux-rêves mièvres exceptés,
que leur dit-on, aux enfants, à propos de ce monde
« pour de faux » pourtant si réellement
associé à la construction de la personne. Notre
fantaisie à propos de l’endormissement est probablement
l’un des tout premiers albums à effleurer, pour
des enfants jeunes, l’articulation entre la vie diurne
avec ses trésors quotidiens de découvertes (et
d’écorchures) et la vie nocturne où se
réorganisent les données ; l’une et l’autre
vies étant indissociables et nécessaires pour
grandir du soir au matin, jusqu’au soir…
« Bonne nuit, Loulou !
– Bonne nuit, toi aussi. »